Editos
JUIN 2020
Femmes, poésie, et démasculinisation
par Chloe Richard
"Depuis quand le masculin l’emporte-t-il sur le féminin ? Quelles conséquences, et quelles solutions trouve-t-on dans la langue poétique, ce genre imagé et rythmé de la littérature ?"
Quand, comment et pourquoi la langue a-t-elle été masculinisée. Ce texte de Chloe Richard, linguiste, ré-énonce les bases de la masculinisation de la langue en formulant les liens entre langage et société, ce pour quoi cunni lingus existe.
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NOVEMBRE 2020
cunni lingus, revue numérique qui interroge le genre et la langue en poésie et en littérature, expose ses fondements et son projet dans son manifeste. Ceux-ci sont repris et détaillés dans l'entretien que lui a consacré le magazine culturel en ligne Diacritik.
Entretien réalisé dans le cadre du 30e Salon de la revue auquel cunni lingus était invitée, annulé au regard de la situation sanitaire.
Pour la circonstance, un texte écrit par les coopératrices et quelques connexes de cunni lingus a été publié dans le n°64 de La revue des revues.
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MARS 2021
cunni lingus, revue numérique, interroge le genre et la langue en poésie et en littérature. Irrégulièrement et de manière non abusive, elle publie textes de création, textes théoriques et lectures enregistrées. cunni lingus pense que rendre visibles et audibles celleux qui ont été exclu·e·s de l'histoire de la création est le moindre de ses gestes. C'est pourquoi elle ouvre ses pages aux autrices invisibilisées, qui n'interrogent pas nécessairement le genre, en tout cas pas directement, et plus largement aux personnes queer, féministes, trans., non-binaires. On retrouvera ici une mise en lumière de l'œuvre de Danielle Collobert décédée en 1978, une lecture par Isabelle Querlé de la poétesse québecoise Josée Yvon, un extrait du texte de la linguiste Eliane Viennot sur la domination masculine dans l'histoire linguistique et un texte de création signé Murièle Camac sur l'entrelacement des genres, comme une invitation à la danse.
En décembre 2020, cunni lingus était aussi l'invitée de radio galoche pour une carte blanche pour le moins dynamitée.
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SEPTEMBRE 2021
Espace d’infusion et de diffusion de tout ce qui œuvre dans la langue et sur la langue, PAPILLES est le cœur de cunni lingus. Nous l’avons imaginé comme un lieu de passage aussi musclé qu’une rivière agitée. Les écarts, les discordes et les désaccords nous intéressent, pourvu qu’au bout des lectures et des réflexions, nous creusions jusqu'à ce que remontent à la surface des choses étranges et nouvelles, tout en continuant d’aller la rivière pour reprendre le titre du livre de Luz Volckmann 1 .
Au commencement il y avait l’eau, rappelle Ambre Petitcolas dans un manifeste hydrosexuel, puissant comme l’océan, que nous avons le plaisir de publier pour la première fois. Une immersion intellectuelle, sensuelle, politique et poétique dans cette p·eau qui nous circlut 2 , coule en nous et nous constitue depuis 2,5 milliards d’années. « Nous sommes un océan en acte » écrit-elle, revendiquant fièrement le trouble et la fluidité des genres.
De son côté, Claude Ber, dans un texte inédit, Du genre dans la langue, lève des malentendus linguistiques. Se méfiant des interventions idéologiques, elle invite à laisser la langue se faire et se défaire sans la forcer, et à choisir l'inventivité poétique et l'expérimentation.
Enfin, Liliane Giraudon ébouillante la poésie française coupée de bien des corps et décortique la catégorie de poétesse, « pas loin de poétasse », dans sa lettre adressée à une jeune poétesse dont nous publions un extrait.
Parce que nous sommes nous-mêmes toujours en mouvement, parce qu'au fil des textes que nous recevons d'autres questions émergent, nous voulons partager ici le fruit de nos discussions et préciser ceci.
Notre champ d'investigation ne se réduit pas au genre en tant que thème et encore moins au genre de la langue car ce n'est pas la langue qui est sexiste mais l'usage que les hommes et les femmes en font. Si celui-ci nous est apparu comme un point d'entrée évident et un chantier important dans notre exploration, il n'en est pas le seul et unique. Ce que cherche cunni lingus, ce sont des écritures audacieuses et imaginatives qui subvertissent la langue et le genre directement ou par ricochets. Ce que cherche cunni lingus, c’est une pointe fine, des leviers, des langues qui soulèvent la langue et nous soulèvent, un écart dont nous précisons la nature politique et littéraire dans notre manifeste. Que ce soit dans la lexicologie, la grammaire, la narration, les thématiques, la sémiotique etc., la revue s'intéresse à toutes propositions : textes de création, textes théoriques, critiques, lectures enregistrées... Nous lançons des lignes, des filets, des rets. Nous construisons lentement l’amorce ténue de ce qui, dans les publications, fait et fera levier sur la langue et partant sur nos réalités pour lesquelles nous espérons, dans une démarche intersectionnelle, l'égalité des sexes et la fluidité des genres, envisageant autrement les rapports aux vivants et aux non-vivants.
Nous avons le temps, nous continuons.
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1. Aller la rivière, Luz Volckmann, éditions blast, 2021
2. Bini Adamczak, Come on. Discussion sur un nouveau mot qui émerge et qui va révolutionner notre manière de parler de sexe, 2018
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AVRIL 2022
cunni lingus, toujours à l'affût, toujours aux aguets, cherche à retourner le gant de la langue pour la sortir de sa gangue. Dans cette livraison, les extraits choisis et textes inédits continuent de débusquer ce que la violence dans le langage fait au corps, en dénommant coûte que coûte, en inventant de nouvelles histoires et d'autres chants.
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NOVEMBRE 2022
Refaire peau
Construire une revue, sans "se voir peau", comme on l’exprime en langue des signes pour désigner l’acte de se rencontrer en vrai, ce n’est pas un projet tranquille, sans crise. Cunni lingus est lancée à la veille du premier confinement ; la plupart d’entre nous ne se sont pas "vues peau" une seule fois, pour cause de grands écarts géographiques. En visio, on a discuté, débattu, lu, refusé, hésité et accueilli des propositions de textes, chacune en face d’un écran divisé en cinq petits carrés.
Il y a quelques semaines, l’écart s’est abîmé un peu plus, fragilisant la place de chacune au sein du comité de lecture. C’était un malentendu, plus puissant que d’habitude, qui n’était pas le fruit des pixels, mais le bruit de longues contradictions reposant sur une question : à qui nous adressons-nous et quelle est cette exigence de la langue, que nous appelons telle et qui retient nos élans ? Qu’entendons-nous par cette formule incantatoire faire bouger la langue ? Et quelles lignes bougeons-nous en ce moment tandis que des textes poétiques circulent plus vite que nos battements de cœur ? On a poursuivi nos interrogations, pour aller aux réponses comme on va aux ronces (Amalia Cardoso).
Une revue a au moins l’exigence de sa vitalité, et ici plus encore, de ressentir et de penser par arborescences, ouvertures de fenêtres, comme nous nous le sommes promis depuis notre manifeste. Oui, le temps nous manque souvent et parfois l’énergie nous fait défaut, ainsi que le postaient récemment, avec leurs vulnérabilités si créatrices et si puissantes, les fondatrices des éditions Blast sur instagram. Le temps nous manque, mais c’est pour cela que nous n’avons pas voulu lui être soumises, choisissant de publier indocilement les livraisons, en fonction non pas des saisons, mais des textes que nous recevons et que nous essayons de faire agir en sympathie, dès qu’ils nous font sortir de l’école du patriarcat.
Nous continuerons de sortir de nos maisons, en empruntant certainement des chemins de plus en plus nombreux, nous sortirons de nos villes, avec parfois la fronde attentive d’une fougère et d’autres fois avec l’air d’un tapis en promenade (Amélie Durand), plante parmi les plantes.
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PRINTEMPS 2023
À nos salives
Parce qu’aucune lutte n’est insulaire et que nous pensons la poésie dans le réel, inévitablement engagée, nous nous joignons aux manifestations pour la défense de notre droit au repos, de nos corps libérés des temporalités salariales, nous nous joignons à la colère face aux aberrations écologiques des mégabassines de Sainte-Soline. À notre échelle, nous cherchons les soulèvements de la langue et l’humidité de nos bouches. Il n’y a plus de frontières à la sécheresse, déclarait un intervenant lors du sommet mondial des Nations Unies sur l’eau. Souhaitons que d’autres barrages cèdent.
Nous soutenons les mots d’Elodie Petit qui, se glissant dans la peau d’ « Arthur Rimbaud la gouine », appelle à la séduction permanente face à une existence toute entière dédiée au travail salarial : je ne sais pas si c'est plein jour ou si tout le monde dort / les souffles peinent parce que vous êtes éteints. À découvrir également dans cette nouvelle livraison, un extrait d’Amélie Berthelet-Yongo qui réhabilite le doux, comme Maggie Nelson le fit du bleu, dans une étude poétique et politique du doux, indissociable d’une mémoire coloniale où elle se demande comment ce comportement pourrait avoir une quelconque portée révolutionnaire. Un extrait signé du poète hongrois Zoltán Lési d’un texte sous forme d’archive poétique jette le trouble dans la forme, le genre et l’histoire : je préfère les nouvelles / quand elles sont fausses.
Enfin, SALIVE, une nouvelle rubrique fait son entrée : envoyez-nous vos écrits, brouillons, palimpsestes... toutes pages mettant à l'œuvre vos émulsions qui interrogent nos constructions sociales, l'identité de genre, sa réalité ou sa virtualité, nos relations aux vivants, les concepts sur lesquels repose l'hétéronormativité... Pas de comité de lecture pour cette page, plus d'infos sur notre site.
Envoi à qunnilingus[a]gmail.com.
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AUTOMNE 2023
Comment dire un nom qui ne sera pas le tien ?
Des fois on croise des gosses avec des yeux comme des horizons, des gosses qui disent j’habite avec ma valise. Au milieu d’une succession ininterrompue de chiffres annonçant la mort d’êtres humains sans nom ni visage. Au milieu d’autres horreurs qui touchent les Arméniens du Haut-Karabakh et la destruction de leur terre, mais combien d’autres peuples sans nom ni visage ? Des mots de la poète et performeuse Claude Favre sont venus poser de la clarté sur l’horreur et le chaos. Des mots pour les peuples sans traces, pour les noms hors des cartes, pour les Palestiniens, ces « présents-absents », pour les proscrits, pour les femmes violées, pour les sdfs… Son livre Ceux qui vont par les étranges terres les étranges aventures quérant (Lanskine, 2022) ravive les récits obstinés des mères, de l’enfance et de l’absence.
Pour notre livraison d'automne, un mot fait irruption dans « l'histoire dérangeante ». Un mot que nous vous laissons découvrir au cœur de l’extrait de La maison de Mues de Catherine Serre. Fruit d'un travail collectif de chercheur·es, le Dictionnaire du Genre en Traduction est une sorte d’anti-dictionnaire visant à « pluraliser le sens, à l’affoler en questionnant le consensus » et non pas à « stabiliser le sens d’un mot » tel que le font les dictionnaires. Joyce Rivière nous offre un manifeste du désir gouine inédit, hommage à Kathy Acker. Marl Brun et les renversantes éditions Burn-Août proposent une manière de traduire de la poésie à plusieurs et ça s’écoute comme un coquillage dans l’oreille. Pour Claude Favre, le je est un « sujet bizarre » et une affaire commune qui navigue entre les genres : « c'est un peu fragile, des fois [...] alors j'écris pour mieux. disparaître », a-t-elle confié à cunni lingus dans un texte inédit.
Flora Moricet
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PRINTEMPS 2024
C'est sous le signe du poisson mais aussi de la vierge, des lacs, des rivières, des forêts, de la neige que cunni lingus publie ces textes de printemps.
Par leurs liens, par leurs lieux, par leurs rencontres, ils ouvrent un espace que nous aimerions qualifier d’inexploré. Inexploré parce que "inexploitable" par les dominations systémiques et enchevêtrées. Cet espace leur échappe car il prend racine ailleurs. Cet ailleurs, ce déplacement profond que ces textes révèlent, ce serait la phrase de Monique Wittig qui pourrait en être la source, la prémisse : " les lesbiennes ne sont pas des femmes ". Dans cette assertion, tout se renverse, se déplace, prend corps autrement et ailleurs, fait naître une autre langue, et par là, d’autres mondes.
Pourtant, il existe bel et bien cet espace autre. cunni lingus et les cinq textes de cette livraison le sillonnent et ainsi le créent, avec sa topographie accidentée, sa cartographie toujours en devenir, sa toponymie singulière…
Enfant, j'avais une bouche trou, écrit Christine Guichou dans un Blanche neige qui revisite le conte éponyme en l’approfondissant d’une figure de la petite vierge [...], toujours pure, toujours maltraitée, du fantasme de cette pureté dont la face inverse est un fantasme de prédation, de ces noms aussi que l'on donne - petite fille, femme - à des corps, nous explique-t-elle.
C'est aussi avec l'enfance, la jeunesse que s'avance le texte de Laura Vazquez et Olivia Tapiero :
j’étais des œufs de poissons morts quand j’étais jeune
j’étais les moisissures de la vie
Tandis qu'aux cuisses douloureuses de C.G., Ulrich K. Baer répond par la cuisse, où les ronces germent — et Elsa Boyer dans Rosâpre aimerait encore mieux un rose plein les gencives pour les phrases / mouillées et une grammaire des muqueuses. Un rose, une rose... qui évoque " a rose is a rose is a rose ... " de Gertrud Stein dans plusieurs de ses ouvrages, d'abord dans Sacred Emily puis dans Le monde est rond ?
Pour Lucie Lelong, la mise à distance de ces corps en détresse s'opère par la réécriture malicieuse de Nuit reine d'Apollinaire qui au lieu de boire, demande à être bu.
Il est impossible de ne pas convoquer, dans cet ensemble de textes, une dimension nécropolitique, concept récurrent chez Paul B. Preciado, désignant la souveraineté de certain.es pour décider qui doit vivre et qui doit mourir.
Cependant, même si les bords des cadavres sont des lacs (Vazquez & Tapiero), même si
Illisibles.
Nous sommes illisibles.
Notre voix est blanche.
Nous attendons la neige
[…]
la forêt, la neige et les animaux sont aussi une vraie forêt, une vraie neige et de vrais corps, au-delà du conte (Guichou) et les gens se transforment en oiseaux (Baer).
Ces textes nous extraient de l’enfermement morbide où nous plongent les politiques actuelles. Ils sont un appel d'air, une respiration, une magnificence proclamée contre l’État d'horreurs qui nous est chaque jour imposé.
Donnons-le à lire cet espace, incarnons-le par les mots, en continuant à nous poser la question, cette question : mais que font le genre et la langue à la poésie ?, avec celles et ceux qui répondent à nos appels, traversent la forêt de leurs voix et nous-vous atteignent. Ici nous remercions les contributeurices, les lecteurices et notre correctrice, Sarah V.
Bonnes et longues lecture(s) et/ou écoute(s).
Nous sommes arrivées au moment du cadavre
Laura Vazquez et Olivia Tapiero
Christine Guichou
Stories
Ulrich K. Baer traduit par Léon Pradeau
Rosâpre
Elsa Boyer
Nuit reine
Lucie Lelong
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Profitons de cette livraison pour vous signaler que la revue cunni lingus a migré chez un nouvel "hébergeur" tout ça pour faire ça (cf page PAPILLES).
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Livraison spéciale MANIFESTES ✊
- été 2024 -
Notre dernière livraison était sous le signe du Poisson, de la Vierge, des lacs, des rivières, des forêts, de la neige... C'était ironico-lyrique, botanico-corporel, étho- voire éco-logique, animiste. Celle que vous vous apprêtez à lire tranche, fend, laisse voir, fais voir : les mécanismes et mécaniques à l’œuvre, le réel constaté, l’injustice systémique, la prise de position lucide, les désirs échevelés et sans fin, les renversements en marche.
C’est une livraison que nous préparions depuis longtemps mais il nous fallait un évènement ! - Non, pas les 33% du RN aux élections européennes, non plus la dissolution de l'Assemblée Nationale ouvrant grand la porte à l'extrême droite. Nous n’ignorons pas cette affreuse réalité.
Mais l’événement c’est celui du temps de la rencontre avec des textes, avec des êtres et particulièrement ici, avec iuri martin-cabétich qui dans son manifeste doux, en leporello fabriqué maison, écrit : Il n’est plus temps d’abandonner l’époque si rebutante soit-elle ni de s’abandonner à la tristesse, qui n’a jamais apporté la force, mais la faiblesse, qui n’a jamais apporté la résistance, mais le besoin de consolation.
Les trois autres manifestes pourront vous paraître moins légers ou plus radicaux, mais l’humour n’est jamais loin dans cet engagement commun à combattre : le fascisme d’État et la fasciite plantaire, le viol et l’ostéoarthrite, la phallocratie et la métatarsalgie, le harcèlement sexuel et les oignons…, affirme Chiara Bottici, qui nous incite aussi à ne pas tentez de commencer par gravir les marches du pouvoir institutionnel ; n’attendez pas, pire encore, que quelqu’un vous accorde ce pouvoir, écrit-elle. Commencez dès maintenant à affirmer votre pouvoir. Vouloir s’emparer du pouvoir étatique ou en attendre une quelconque reconnaissance, c’est reproduire la structure de domination que l’on doit contester d’emblée, et par conséquent reproduire l’andocratie mondiale qui nous oppresse et nous exploite.
Pour le Manifeste Xénofémisniste, notre monde est pris de vertige. XF fonde ses arguments sur notre condition d’aliéné·es, le véritable potentiel émancipateur de la technologie [qui] demeure inexploité, l’antinaturalisme et le rationalisme. Il y est également question du langage de l’architecture avec lequel les xénoféministes doivent se familiariser car il est aussi le vocabulaire d’une chorégraphie collective – une écriture concertée de l’espace. La langue. Une indocilité relayée par l’impétueux·se et impertinent·e Gorge Bataille dans son Manifeste de la langue bâtarde :
Elle n’est pas là pour plaire aux hommes,
à la bonne société, aux bien éduqués, aux lettres
françaises, à la rentrée littéraire.
[…]
Elle vit dans des appartements mal chauffés
[…]
Elle boit trop - elle féminise tout.
Elle aime s’entourer d’autres bâtardes.
Elle mouille sa culotte, elle trempe la tienne.
Elle bouffe à tous les râteliers.
[…]
Elle trouble le système bien huilé hétéro
patriarche, elle pisse sur vos pompes,
elle t’emmerde.
Elle aime le cul, sale et direct.
Elle ne fait pas de concessions.
[…]
Elle utilise le plagiat.
Elle se serre.
Elle détourne.
Elle pille.
Elle suce.
Ces manifestes rappellent bien sûr celui de Valérie Solanas, Scum Manifesto*, tiré au ronéotype, colporté et vendu 1$ pour les femmes et 2$50 pour les hommes, dans la rue, par elle-même, à partir de 1967. Avant de pouvoir être qualifié d’extrémiste, celui-ci est d'abord un "genre politique et littéraire" (Sam Bourcier in Episode 2/2 : Le Scum Manifesto, France culture, 11 mai 2020). Un pamphlet contre le patriarcat d'Aristote à aujourd'hui qui n'a toujours pas la place qu'il devrait avoir dans une société égalitaire en 2024, tandis que Valérie Solanas meurt dans la plus crasse et totale indifférence en 1988.
Enfin, à ce florilège de manifestes, manque celui de Coranza Spina, Manifeste pour une démocratie déviante - Amours queers face au fascisme, publié en 2023 aux éditions trouble dont, étant données les circonstances, quelques chapitres de l'ouvrage ont été mis en ligne en accès libre.
Partageons et poursuivons nos luttes. cunni lingus vous souhaite des lectures coriaces, réjouissantes, résistantes et surtout, de bons dimanches 30 juin et 7 juillet 2024.
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*Voir à ce propos J'ai tiré sur Andy Warhol d'Ovidie, 2024, documentaire Arte et écouter Valerie Solanas (1936 - 1988) par Chloé Delaume, Littérature etc., 2021
Laboria Cuboniks
Manifeste de la langue bâtarde - extrait de Fiévreuse plébéiènne
Gorge Bataille
Manifeste - un cas de variation induite du rapport au monde
iuri martin-cabétich
Chiara Bottici
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Tribune libre / Sophie Loizeau
- octobre 2024 -
La revue cunni lingus est heureuse d'accueillir et de partager cette tribune libre offerte à Sophie Loizeau.
C'est pour cette autrice, l'occasion de revenir sur ses recherches et explorations initiées depuis 2001, dans la perspective de ce qu'elle nomme l'écriture explicite, communément désignée aujourd'hui par l'expression, langage inclusif.
Avec sa trilogie féministe, la Trilogie de diane (La femme lit, Le roman de diane, Caudal), elle entreprend une grammatisation de la langue française qui est d’une richesse extrême, souple faisant jouer ses terminaisons nerveuses, ses nombreux petits os et articulations, écrit-elle. Pour Sophie Loizeau c'est un processus de renversement radical et systématique, dénonçant chemin faisant, l'éviction institutionnelle de celles et ceux dont les matériaux de base sont les lettres, les mots, les phrases, les sons : les poètes ne sont pas consulté/es sur les questions essentielles. Les poètes dont la langue et le langage sont la matière première, qui sont les vrai/es inventeurs/trices, n’existent pas.
Son texte, Le Pluriel équitable : sur la visibilité du féminin dans la langue, nous invite à entrer dans le vif du sujet qui ne devrait cessé d'être pensé et repensé tant il est vrai que les mots sont responsables de tout l'individu en cause jusqu'à la forme de son moindre muscle, Monique Wittig.
Nous vous souhaitons une bonne lecture et/ou écoute puisque l'autrice a eu la gentillesse de nous livrer son texte également en version audio.
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Livraison spéciale BLAST
- octobre 2024 -
C'était dans nos projets depuis longtemps, dès que nous avons eu connaissance des éditions blast, essentielles dans un paysage éditorial chargée d'une littérature hétérocentrée, non intersectionnelle, ni éco*afroféministes (Sara Mychkine), ni queer ni décoloniale, auquel il ne vient pas l'idée d'interroger ni la norme ni la langue qui pourtant nous forme et nous construit.
Dès leur à propos, est annoncée une ligne éditoriale tout à la fois combattante et vivifiante. Nous sont d'abord données des pistes pour comprendre le mot :
Blast : effet de souffle, onde de choc, attaque radicale.
Blaste : ce qui germe, s’enracine, pousse, parasite, grandit, engendre.
Les éditrices, Sol et Karima, écrivent : les éditions blast défendent une littérature d’essai et de création politique, une littérature qui pense l’articulation des oppressions et des luttes et qui ouvre des perspectives depuis le champ des résistances antiracistes, féministes, queers, anarchistes. Leur travail de grande importance nous permet de modifier nos imaginaires immobilisés dans le "patriarcapitalisme". Ainsi, grâce à l'ouvrage Vers la normativité queer de Pierre Niedergang, ami de Tal Piterbraut-Merx avec lequel il aurait aimé écrire ce livre édité également chez blast, pouvons nous mieux comprendre en quoi l'idée normative des images permet de résoudre l'opposition fallacieuses entre les approches dites matérialistes et les approches culturalistes. En vérité, du point de vue de la normativité de l'imaginaire, la culture n'est pas un simple reflet passif des rapports réels (vitaux ou de production) ni nécessairement une illusion idéologique camouflant les rapports de domination réels. Au contraire, en tant qu'elle en est l'image, elle peut avoir des effets de réel, et participer à la transformation de ces rapports.
Pour mieux connaître les éditions blast, nous vous proposons un entretien avec Sol et Karima, leurs fondateurices, et des textes extraits de leur catalogue. Nous remercions chaleureusement les éditeurices et les auteurices qui nous permettent de diffuser leurs travaux grâce auxquels un avenir désirable devient possible.
Entretien avec Sol et Karima des éditions blast
cunni lingus, Sol et Karima
enfant de l’impatience et de l’impudence - extrait de Colza -
Al Baylac
< en Palestine j’ai vu > & < r.a.f. > - extraits de infra/seum -
Dibondo Douce
mon corps a un problème de - extrait de La Septième lèvre -
accusé de réception & peut-on baisser la luminosité de mes erreurs - extraits de Les Sublimations -
Miel Pagès
TDOR - extraits de votre monde en cendres -
Joyce Rivière
fuite 07h13 — sixième de ligne - extrait de La plaie de l'aube -
Sara Mychkine
Dysphorie & Les cancres - extrait de Aller la rivière -
Luz Volckmann
Ils disent que vivre - extraits de Je vis dans une maison qui n'existe pas
Laurène Marx
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