top of page
Non, rien - extraitAgnès Rouzier lu par Alix Prada
00:00 / 01:55

Peu à peu le mot ange disparaît de notre vocabulaire.

 

surgit une

« campagne » peinte, buisson contre buisson, s’ajoutant aux

fleuristes, arbres, bosquets, jardins publics, cours, allées,

graviers, ponts en dos d’âne, posés ici et là, objets que rien

ne justifie, n’explique, à peine dits, mais chantés, mais gémis,

je cours, tu cours, le chemin t’accroche au passage…

 

Dans sa vie jusqu’alors active : merveilleuses bribes.

 

(Ah loin, si loin, qui prendra ta place ? Eternellement, utile-

Inutile, un double se détache et tu l’observes, qui s’avance.)

 

Tandis que lentement la voix contourne, s’amenuise, s’étale,

entrave, ouvre, s’absente, recommence.

 

Légère.

Pesante.

Exacte.

Vague.

Déchirure à même le corps. Douceur à même.

 

Arrache tous les mots, arrache cette gorge,

la tienne, la nôtre, renverse-toi, renverse,

ENCULE-MOI, JE T’EN PRIE, ENCULE-

MOI. Hurle. Points lumineux (poursuite) qu’à

l’infini tu répètes, repères. Enfonce-toi. Enfonce-

moi. Rien. Tête et bouche mâchouillent du sable,

violence du sommeil.

 

Ah !

 

Ces courants, ces explosions, cette obscurité,

ces fulgurances mais invente, INVENTE,

que fais-tu là, immobile ? Tu n’as ni sein, ni taille,

ni ventre, ni cul, ni sexe. BOUGE. BOUGE.

BOUGE.

Déplace-toi. RICANE. Monte. Adore. AVANCE.

AVANCE. AVANCE. Romps. Noue. Touche.

Dort. Vacillement, puis à nouveau bien droite

la parole : ruissellement dont tu jettes l’encre.

Tout RECOMMENCE. Je ne PEUX PAS.

​

Agnès Rouzier

​

° ° ° ° °

[Pour Lionel Soukaz]

 

Sur la table de visionnage

La pellicule trace son sillon

Parmi les galets et les crans

A l’écran, des visages et des corps défilent sous ses yeux

Ceux de La Race d’Ep

Ceux d’Ixe

Ceux de Tino

Ceux de Maman que man

Ceux de The Boy Friend

Ceux de The Boy Friend II

Ceux de Paris Chausey

Angel faces célébrés

Réponse conjuratoire à la silenciation

Le photogramme qui précède chaque collure

Accueille davantage de lumière que son aïeul

Lumière de l’inversible

Surimpression de spectrales calanques

​

° ° ° ° °

Pour Franck Beauvais

 

Elle fixe ses doigts

Leur enveloppe œstrogenée

Battre par le froid

Ressemble aux chaines de montagne

Sur les cartes IGN en relief

Elle se souvient d’un film ukrainien

On avait collecté et monté

Des plans de mains au cinéma

Toute époques, pays et genres confondus

Si elles avaient été filmées, pense-t-elle,

Peut-être que ses propres mains auraient rejoints la grande archive

 

° ° ° ° °

 

Ménina.

Considère moi comme une simple ellipse,

exilée à la bordure,

au seuil des trompe-l’œil.

Ton visage dévoré

de morceaux de soleil

et de béances d’éclipses,

excède aux angles l’émulsion,

s’attarde à l’intérieur du cadre,

suspendu au mur de crépis.

Le verre travaillé par les rumeurs salines

y réfléchit la tarantelle

à laquelle se livrent deux menottes.

La première, montreuse d’ombres.

La seconde, omo zukai besogneuse,

dont les métriques bientôt harmonisées,

accompagnent les zébrures d’un démêloir pauvre.

 

° ° ° ° °

 

Etendue sur le fer

de zéphyr fouetté.

Une cuirasse de coton

souligne la qualité pythique de tes traits.
Hiérarques assoupis,

captifs de souffrances

retenues aux marges.
Afin de conjurer,

tu consacres ta convalescence à la reprise d’un même brouillon,

tant et si bien qu’il te semble difficile

de cartographier le territoire

où git ta joie enfouie.

​

° ° ° ° °

 

Tu sors de l’atelier,

un soleil dans chaque main.

A l’écart des camarades,

en amont du courant de corps,

tu observes chaque visage de draps défaits.

 

° ° ° ° °

 

Tout contre son ventre clair de menthe,

l’âne veille un brouet de papier.

Convoquée à sa crinière de chaux,

tu portes à votre goût l’elbe nitratée.

En lieu et place d’operaia effrontées,

d’aïeuls que l’on quitte sur la pointe des pieds,

d’autres racines remâchées, rachachées.

​

Alix Prada

bottom of page