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Sous un lilas

 

j’ai une maison abolie

elle se situe sous un lilas

elle est bleue terre

et quand on passe ses doigts dessus, il nous en reste un peu sur la peau

elle est morte mais elle continue de pousser

comme une plante urticante

 

 

dans ma maison indocile il y a des canapés et des tapis,

du verre brisé

pas grand-chose ne reste aux murs

il y a des tables de bois de pin dont les pieds ont été sciés et plantés ailleurs

 

 

dans ma maison brutale

j’ai laissé de vieux chiffons, des capes somptueuses et des boutures que j’avais eues en cadeau je me rappelle que sur un appui de fenêtre j’ai laissé une photo beaucoup regardée

à laquelle je tenais

 

 

autour de ma maison inachevée

il y avait des champs et le bruit du vent

il y avait aussi un chemin d’eau sur lequel on n’allait jamais

on observait pourtant des grenouilles

 

de ma maison abolie il me reste

des échardes et les fenêtres que j’ai prises avec moi

il me reste des éclats de voix et des odeurs de cafés froids

une impression de sommeil

des cernes

une toute petite cicatrice sur le dos de la main

 

 

dans ma maison enterrée il n’y a jamais eu l’été

​

​​

 

° ° ° ° °

Le matin arrive toujours trop tôt

 

c’est le ton de ta voix lorsque tu regardes au dehors

un peu crispé un peu rèche

qui se cogne contre les couleurs de la forêt

c’est la vitesse

la vitesse incalculable

qui arrondit les jours

qui se cogne contre la manière dont tu décomptes

c’est une pluie rassasiée

qui cogne les nuages et tes paumes ouvertes

qui évite toute aube et tout crépuscule

 

c’est l’esprit de contradiction de ton adolescence

qui se cogne contre tes mauvaises dispositions à être

c’est une table sans nappe

contre laquelle se cogne le bout de tes doigts

contre laquelle tes yeux dessinent des allers-retours

c’est ton impatience

qui s’abrutit dans les impasses

qui trace des sillons des sillons des sillons

c’est une pièce qui ne change pas

dans laquelle tu te cognes les coudes

les tempes

les avants-bras

les morceaux qui dépassent de toi

 

 

c’est une envie d’être demain qui s’amoncelle avec les autres

c’est le silence de tes parents

c’est l’habitude de ton chien

c’est le pull vert dans lequel tu te caches

quand tu te déprends de ton récit

que tu es prise, enlevée

quand tu es entamée, biseautée de côté

quand tu te cognes quand tu t’endors

 

le matin arrive toujours trop tôt

tu regrettes toujours quelque chose que tu as dit

tu as toujours quelque chose à dire

on aurait toujours dû ne pas prendre cette dernière bière

demain est toujours un jour trop chargé

tu fais toujours des taches sur tes vêtements

les petites sœurs sont toujours les meilleures choses au monde

on aura toujours besoin de la pluie, surtout par la fenêtre

les vieilles auront toujours raison quelque part

on peut toujours admirer la lune, la neige et les fleurs au même moment

on a toujours des rendez-vous

il y a toujours des armistices et du café

​

Marie Meuleman

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