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MANIFESTE - UN CAS DE VARIATION INDUITE DU RAPPORT AU MONDE -

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​

Il existe de nombreuses manières

de chercher le bonheur.

Parmi elles, certaines coûtent beaucoup.

À soi-même comme au monde.

 

Il existe des chemins pour le bonheur

qui apportent la douleur, l'injustice, la tristesse

à soi-même ou au monde.

Parfois aux deux.

 

 

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​

Avoir.

Des choses. Raison.

 

Avoir beaucoup de choses

avoir par avance raison

 

avoir plus de choses,

parce que le désir illimité,

de se figer sur un horizon si pauvre,

se transforme en besoin de réconfort

 

avoir toujours raison,

savoir toujours ce qu'il faut dire,

les vérités officielles, évidemment sans conteste

les évidences consensuelles, ce qu'il faut faire

le savoir toujours davantage

au prix d'oublis

oubli de complexité,

oubli de doutes,

oubli de questionnements.

​

En conquérant les mots de la classe dirigeante,

j'avais oublié

qu'on ne peut pas sortir

du système de domination,

seulement changer de position

 

​

​

​

Le plus étrange est que nous puissions persister

sur de tels chemins

pendant des années

sans se soucier de leur impact réel,

 

comme captif·ve·s d’un monde en lequel

nous ne croyons plus,

conscient·e·s

impuissant·e·s

habitué·e·s

 

 

 

résigné·e·s

 

​

​

​

constatant en nous-mêmes la présence

de ce qui nous semble le plus laid,

 

constatant comment nous sommes

construit·e·s sur cette base,

tissé·e·s de ces fils,

 

et plus tristes peut-être de cette lucidité

 

et plus captif·ve·s peut-être cette tristesse

 

et c'est comme ça que cela fonctionne

 

et c'est cela fonctionner :

tristesse, frustration, résignation, besoin de réconfort

bientôt transformés en

consommation, travail, argent, PIB

 

c'est comme ça que cela fonctionne

 

 

 

 

hybride de cette société

et de la résistance qu’elle suscite,

traversé·e par cette contradiction,

 

je ne peux pas croire que ce soit la seule façon de vivre

 

déjà trop de temps abandonné à la tristesse

 

déjà trop de temps à la production

de biens de consommation – les poubelles de ce pays débordent.

 

déjà trop de temps caché·e, seul·e, à réfléchir

 

et le temps passé à vivre autrement,

le temps passé à s'isoler pour ne pas faire partie de tout ça,

ce temps lui-même

a le goût du privilège supplémentaire

le goût de la fuite

 

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​

​

Il n'est plus temps d'abandonner l'époque,

si rebutante soit-elle

ni de s'abandonner à la tristesse,

qui n'a jamais apporté la force, mais la faiblesse,

qui n'a jamais apporté la résistance, mais le besoin de consolation

 

nous avons besoin de forces, de joies

et d'imaginations vives

et nous devons les partager

​

Ce que pensée et tristesse n'ont pas su changer,

imagination et formes le pourront peut-être

 

où il n'y avait pas de solution,

il y avait des livres, des photos, des films

laissés ici par d'autres humain·e·s qui y vivaient

 

ces livres, ces images, ces films

parfois

pendant quelques heures,

quelques jours,

rendent le monde vivable,

sans abandonner la lucidité, mais

sans tristesse.

 

​

​

​

ces livres, ces images, ces films

opposent

aux mots, représentations, idéologies

qui nous capturent par leurs pouvoirs sorciers,

leurs magies propres, toujours uniques

 

Ce sont ces formes que nous cherchons

Fortes, joyeuses

et conscience de la complexité

- infiniment inconfortable, mais infiniment riche -

du monde qui résiste toujours à la volonté de contrôle.

 

 

 

​

le grand rêve collectif

de puissance infinie,

de consommation illimitée,

de contrôle infini de tout,

promet de nous épargner

les peines, les doutes, les manques.

 

C'est un indice

voici ce qui nous reste

ici est notre force paradoxale

 

n'être pas au centre mais dans les marges

ne pas posséder grand-chose,

mais ce dont nous avons besoin

ne pas vouloir plus de biens mais

plus de temps

ne pas avoir peur des différences,

mais des conformités résignées

 

ne pas essayer d'être tout·e·s-puissant·e·s,

mais tenter,

avec ce que nous avons

sans ce que nous n'avons pas,

de faire ce qui suscite notre désir

 

assumer cette fragilité, ces doutes,

et la puissance de nos imaginaires.

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iuri martin-cabétich
auto édité
leporello (pas de pagination)
multiples éditions depuis écriture en 2017,

la dernière en date est de 2023

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