Manifeste anarcha-féministe

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Nous, anarcha-féministes, appelons à une libération totale des femmes – littéralement de la tête aux pieds. Nous nous engageons à combattre : le fascisme d’État et la fasciite plantaire, le viol et l’oséoarthrite, la phalocratie et la métatarsalgie, le harcèlement sexuel et les oignons, le lavage de cerveau et la bursite du talon, le travail domestique non rémunéré et les orteils en marteau, les atteintes au droit à l’avortement et les ostéophytes, les inégalités de rémunération fondées sur le genre et les entorses de la cheville, les féminicides et les sténoses foraminales, les mutilations sexuelles et les fractures de fatigue, la lombalgie, les crampes et les spasmes…

En somme, nous voulons que les femmes puissent marcher librement.

 

 

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Tout a déjà commencé

 

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Commencez votre révolution maintenant. Aucun lieu n’est trop réduit pour commencer, car le tyran est à la fois hors de vous et en vous. Fini d’attendre : « Lancez-vous. » Ne tentez pas de commencer par gravir les marches du pouvoir institutionnel ; n’attendez pas, pire encore, que quelqu’un vous accorde ce pouvoir. Commencez dès maintenant à affirmer votre pouvoir. Vouloir s’emparer du pouvoir étatique ou en attendre une quelconque reconnaissance, c’est reproduire la structure de domination que l’on doit contester d’emblée, et par conséquent reproduire l’andocratie mondiale qui nous oppresse et nous exploite. « Lancez-vous », cela veut dire : « pensez mondialement » et « agissez localement », car chacun a au moins un petit morceau de liberté à portée de main. Une rébellion n’est jamais ni trop petite ni trop grande. Plus important encore, les révoltes ne sont pas exclusives les unes des autres : résistez aux normes genrées, jouez-vous-en, refusez d’obtempérer, désobéissez, boycottez, combattez le capitalisme, faites la grève de la reproduction sociale, pratiquez la démocratie radicale, devenez « pirate du genre 1 » à votre façon. Ouvrez des voies qui n’ont pas encore été inventées. Si vous ne pouvez pas construire une société anarcha-féministe dans votre pays, construisez-la dans votre quartier. Si vous ne pouvez pas la construire dans votre quartier, construisez-la dans votre foyer. Si vous ne pouvez pas la construire dans votre foyer, construisez-la en vous. Ces actes ne se réduisent pas, comme le proclament certains, à de simples « stratégies individualistes ». Ils préfigurent un monde différent. Ce sont des actes intrinsèquement politiques, l’autre face des projets collectifs qui se font de plus en plus fréquents, telles les grèves générales, les mobilisations de masse, les occupations d’espace, la structuration à la base, la vie en communauté ou en dehors des cadres du binarisme de genre, autant de projets qui se développent partout dans le monde et visent l’abolition du capitalisme et de l’État autoritaire. L’internationale féministe 2  commence par le transindividuel féministe, mais ne s’arrête pas là. Les actions locales et infra-individuelles sont nécessaires, mais pas suffisantes. Mondiale est l’oppression et mondiale doit être la lutte.

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pp.80-83

 

Chiara Bottici, Manifeste anarcha-féministe,

éditions Payot & Rivages, 2023

Traduit de l'anglais (Etats-Unis)

par Pauline Tardieu-Collinet

 

 

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1. J’emprunte l’expression à Paul B. Preciado, dans Testo junkie. Sexe drogue et biopolitique, Paris, Grasset, 2008, p.51

2. Verónica Gaco, La Puissance féministe, ou le désir de tout changer, trad. Léa Nicolas-Teboul, Paris, Divergences, 2021

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