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Ils disent que vivre c’est grandir et devenir adulte mais grandir c’est juste déserter et c’est juste aban- donner la guerre de l’enfance, j’ai jamais gagné la guerre de mon enfance, j’ai abandonné mes jours blessés, j’ai juste fui en grandissant avec ma tête qui s’éloignait de plus en plus haut loin de mes pieds d’enfant comme un ballon qu’on lâche et je dois vivre en ayant perdu la bataille et toutes les batailles parce que je sais même plus d’où viennent les coups de feu et d’où partent les souvenirs et je sais que la guerre continue mais sans moi…

 

il y a des petits soldats de moi qui attendent que je revienne et je ne reviendrai pas…

 

p.35

 

 

 

 

 

 

Il y a des gens comme ça comme moi comme ça qui sont pleins à la fois.

Et qui vivent en eux en se faisant de la place.

 

À l’intérieur il y a de la place pour tout le monde… pas le monde entier… pas tout ça… mais ce que je sais que les autres ne savent pas c’est que le monde ne sera jamais entier.

 

Même le monde entier n’est pas entier. Alors il faut laisser de la place au hasard.

Même dans ton esprit laisse de la place au hasard.

Même dans ton corps laisse de la place

au hasard.

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p.51

 

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Je suis devenue folle très tôt

Je me suis mise à raconter des

histoires avant qu’on me paye

pour ça.

 

En tout cas ça c’est mon

histoire.

Je vis dans une maison qui n’existe pas.

Et avant de continuer je dois trouver…

Et si je ne peux pas faire revenir les Tout Petits alors je dois me souvenir et le souvenir les fera revenir.

 

D’abord iels et elleux, les Tout Petits se sont endormies, ça c’est sûr. On a mis une couverture sur elleux pour que le froid n’ait pas elleux et pour qu’iels n’aient pas froid.

Je dois me souvenir plus.

Souviens-toi…

Souviens-toi plus

fort.

Fais ta mission.

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p.90

 

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Trouve-les puis retrouve ton calme.

C’est ça c’est elleux c’est forcément elleux

qui l’ont, qui ont ton calme

 

je n’ai pas de pouvoir moi…

je ne peux pas faire lever le jour et je ne

peux pas faire tomber la nuit je ne peux que

me lever le jour et tomber la nuit…

 

je ne sais qu’être en colère et raconter des

histoires. Et me souvenir… et me souvenir

c’est autant me souvenir des histoires

que me souvenir de ma colère…

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p.91

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Laurène Marx

Je vis dans une maison qui n'existe pas

éditions blast, 2024

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