enfant de l’impatience et de l’impudence, j’ai la main lourde du démiurge et un horizon leste dans les yeux. la nuit écaille les toits d’un jaune soufre, d’un jaune miel et je m’avance à l’intérieur de moi : Wild nights — Wild nights ! je suis Emily Dickinson, I have never seen
« Volcanoes ». je n’ai jamais vu un volcan et pourtant, je le rencontre, à l’intérieur de moi, là, où je m’avance avec des chandelles qui fondent à la place des jambes. je l’écoute me dire avec quelle engeance ogre je peux désirer m’attaquer à la vie. je rêve de poser ma bouche sur la morsure au sommet du cratère, émoussée et rouge vif comme une vulve ; provoquer l’éruption acide et gouleyante qui meurt dans la combe des reins. à l’intérieur de l’appartement, la fête vitamine les murs. une poignée de corps positionnés en quinconce reprend en chœur la chorégraphie de Kate Bush qui virevolte sur le téléviseur, aérienne et gracile, sa robe rouge dans une clairière verte. on fait la fête pour s’aligner avec les astres, pour tirer le tarot de la vie, pour répondre à l’appel de louve dans nos bas-ventres, détricoter l’angoisse, poinçonner nos peurs de tendresses et tisser nos affects dans un tricot de bras complices et solidaires. filmer, documenter, archiver. c’est à ça que je pense alors que le cortège d’adelphes enflamme le plancher.
témoigner, montrer, démontrer. c’est à ça que je pense quand ils nous disent que la non-mixité est dangereuse, que la radicalité est un écueil. voyez notre radicalité, voyez notre amour, voyez nos espaces en mixité choisie et dites-moi à qui l’on fait du mal. et comment, sinon par un excès de beauté, on pourrait vous nuire si ce n’est dans le démantèlement de vos imaginaires. voyez ce qui vous menace : nos espaces de liberté. et faites le deuil de votre orgueil, de votre omnipotence. de quoi pourrions-nous faire l’apologie si ce n’est de s’autoriser à rayonner comme le soleil. et dites-moi encore à qui l’on fait du mal. dans notre besoin de consolation. dans nos façons de prendre soin et de se faire du bien. et ne comparez plus nos forces d’amour avec vos formes de pouvoir.
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pp.99-100
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Al Baylac, Colza, éditions blast
2022