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on m’a donné une bouche

déjà pleine de mots

les syllabes posées

à l’endroit exact

où il fallait plaire

 

je parlais

sans savoir

qui me parlait

le souffle

passait

dans les formes

rien ne débordait

(ou bien

on le corrigeait

vite)

 

j’ai plié

des années entières

dans des phrases droites

et des accords dociles

jusqu’au jour

où un mot

s’est fendu

en moi

 

le langage

a pris feu

par la couture

rien de spectaculaire

juste

un craquement dans la voix

 

après

tout s’est mis à vaciller

les noms

les verbes

les règles

un monde qui se voulait net

a commencé

éboulement

 

j’ai ramassé des bouts

des débris

des éclats d’avant

je me suis dit :

il faut parler

même mal

surtout mal

parler = désobéir

 

j’ai choisi le doute

comme syntaxe

j’ai laissé des bords flous

dans les lettres

j’ai écrit

non pour dire

mais pour fendre

 

chaque mot

était un passage

chaque silence

une réponse

je ne savais plus

ce que voulait dire « dire »

et pourtant

je disais

encore

 

je ne cherchais plus

la phrase parfaite

je cherchais

un chemin

par où m’échapper

par où éclore

 

un jour

je n’ai plus eu peur

de parler sans forme

j’ai laissé le souffle

faire à ma place

et le texte

s’est ouvert

comme une plaie

 

il n’y avait plus

de bon accord

plus de place

assignée

juste

ce tremblement

entre deux mots

qui

respire

 

c’est là

que j’ai commencé

à écrire

° ° ° ° °

ça s’écrit mal

ça ne veut pas se dire

ça se tord dans la bouche avant le mot

ça se refuse à l’accord

* l’accord ? de quoi / avec qui / pour quoi *

 

les flexions tombent

comme des peaux mortes

termin(ais)ons / amput(ais)ons

 

le mot : cherche son centre

mais n’en veut plus

 

des accords // flottants

ta langue

ton dire

désaxé

déplacé

décliné sans désir

 

on lui impose une fin

un contour

une forme de conforme

il veut : rien de ça

il glisse / elle glisse / 𝘪𝘦𝘭 n’existe pas

 

et pourtant

ça parle

entre les signes

au bord des accords

 

[on] dit : il faut s’accorder

mais toi : tu dissonnes

tu veux des phrases en spirales

des mots qui s’ouvrent

par le dedans

tu veux une grammaire

qui tremble

qui doute

qui se défait

que le suffixe ne colle plus

que le pronom hésite

que le verbe

mal fonctionne

que la phrase bâille

et laisse passer du souffle

 

non

pas « ni l’un ni l’autre »

pas « entre les deux »

pas défini·e·x

pas inclusif

juste :

X en friction

X en invention

X en inachèvement

 

le langage normalise

l’écriture — déforme

tu veux une dissonance tendre

une syntaxe queer

une conjugaison fractale

un chant de bouche

sans bouche

un cri de corps

 

tu veux :

l’inconfort du mot

le trouble du verbe

l’incertitude de la phrase

le langage est un costume

la poésie ?

une mue permanente

 

(tu ne seras jamais

entièrement lu·e

et c’est

parfait)

° ° ° ° °

 

*** « genre : illisible / langue : transmutée » ***

boot.sys_lang__v0.0.;

load[ɢɛ̃r] → null

load[lɑ̃ɡ] → segmenté.e.s

parse[je] → fail

compilation_poétique → error:404

 

le moi ? sans peau syntaxique

le dire ? vidé d’alphabet

le corps ? désaccordé de la bouche machine

 

iEL/iO/iX/i *; glitch_pronom.patch

« je » s’épluche dans les pixels du texte

« tu » chute dans un silence unicode

« nous » n’a pas eu lieu dans cette grammaire

 

langue fondue

genre fracturé

bouche effacée

identité téléchargée à 13%

 

je suis la variable sans valeur

le .txt corrompu

le poème bugué.e à même le corps

 

if (mot == genré) {

destroy(mot);

}

for (pronom : tous) {

pronom.reboot();

}

 

langue.compile (illogique);

/!\ dictionnaire introuvable

/!\ racine syntaxique effacée

/!\ genre : segmentation fault

 

je = error 000000000000000000000000000000xFFF

tu = non alloué

corps = requête refusée

 

j’écris un NON-TEXTE dans le binaire

je transpire du code obsolète

j’injecte du genre_fluide dans la machine virile

 

> syntaxe_bloquée

> lexique_flingué

> morphèmes refusés

> accords erratiques

 

et si ça dit — c’est malgré les balises

et si ça parle — c’est en dépit du HTML du réel

et si ça vit — c’est dans le glitch de toute structure

 

fin ?

moi ?

mot ?

 

+ reboot du poème impossible

+ vidage mémoire du genre

+ effacement sécurisé du souffle

langue == sexe == code == ruine == désir crash

fin.exe

 

ou pas

 

_

 

[footer] hypothese404

Clémentine Pons

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